Au 1er janvier 2020, 82 860 personnes étaient écrouées pour un nombre de places disponibles de 61 080 [1]. La population carcérale française est quasi exclusivement masculine (96 % d’hommes), jeune (âge moyen de la détention : 34,6 ans) [2] et concentre des difficultés sociales et professionnelles précédemment identifiées comme facteurs de risques bucco-dentaires [3].
Selon une étude consacrée aux soins dentaires en milieu carcéral, les trois quarts des détenus ont au moins une carie à soigner et un tiers présente la nécessité de réaliser une ou plusieurs avulsions dentaires [4]. L’éloignement des parcours de soins classiques ainsi que les obstacles financiers entraînent un plus faible recours à la consultation, souvent limité aux situations d’urgence. Un certain nombre d’éléments liés à la détention tel qu’une alimentation déséquilibrée (achats par les détenus de produits sucrés, sodas, grignotage), le tabagisme, le stress, l’état dépressif et la prise de psychotropes aggravent cette situation [5]. Les demandes de soins dentaires en prison représentent plus de 30 % des consultations spécialisées [2].
Les travaux sur les déterminants sociaux de la santé orale ont mis en évidence la complexité des mécanismes qui aboutissent à la situation actuelle, marquée en France comme ailleurs par de fortes inégalités [6]. Son amélioration, au niveau d’une population, passe par la prise en compte de ces déterminants, et plusieurs auteurs invitent en ce sens au développement d’approches « intégrées » ou encore « biopsychosociales » pour lutter notamment contre les inégalités sociales de santé orale [7, 8]. Dans le milieu carcéral, de telles approches ne peuvent reposer sur la seule action du chirurgien-dentiste. Le contexte institutionnel implique un partenariat entre les différents acteurs. Or, à ce jour, l’analyse de la problématique de la santé orale en prison a été conduite uniquement du point de vue des dentistes.